| RAMZI CHAMAT | OAKS GROUP SA
À l’horizon 2025, le secteur bancaire suisse se prépare à l’entrée en vigueur de nouvelles règles strictes dans le cadre de la réforme Bâle III. Mise en place par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, cette réforme a pour objectif de renforcer la stabilité des banques et du système financier en modifiant notamment l’accès aux crédits hypothécaires et la gestion des actifs immobiliers. Ces changements auront un impact important sur les propriétaires, les acheteurs et les professionnels de l’immobilier en Suisse.
En 2025, le secteur bancaire suisse adoptera les nouvelles normes de Bâle III, une réforme majeure visant à renforcer la stabilité financière des banques. Ces changements auront des répercussions significatives sur le marché immobilier, en modifiant notamment l'accès aux crédits hypothécaires. Les nouvelles exigences en matière de fonds propres, de taux d’intérêt et de gestion des risques impacteront les propriétaires, les futurs acheteurs, et les professionnels de l’immobilier. Cette introduction présente le contexte, les enjeux et les stratégies à envisager pour naviguer dans ce nouvel environnement financier.
Bâle III est un ensemble de réformes bancaires internationales élaborées par le Comité de Bâle pour accroître la sécurité et la stabilité des banques à l’échelle mondiale. L'objectif de cette réforme, initiée après la crise financière de 2008, est de renforcer la capacité des banques à absorber les pertes financières et à mieux gérer les risques associés à leurs activités de prêt.
Bâle III repose sur trois piliers principaux : un renforcement du ratio de solvabilité, un leverage ratio (ratio d’endettement) plus élevé, et des ratios de liquidité à court et long terme. La réforme impose également des exigences plus strictes en matière de gestion des risques de crédit, obligeant les banques à évaluer les risques de manière plus prudente et à augmenter leurs réserves de fonds propres pour se protéger contre les pertes potentielles.
La version "finale" de Bâle III, qui sera mise en œuvre en Suisse à partir du 1er janvier 2025, élève le ratio de solvabilité minimal à 10,5 % (contre 8 % dans le cadre de Bâle II). Cette augmentation vise à renforcer la solidité financière des banques et à mieux les préparer aux crises économiques. En plus du ratio de solvabilité, la réforme inclut des règles plus strictes sur les modèles internes de gestion des risques, les obligeant à tenir compte de différents scénarios et à couvrir un éventail plus large de risques liés aux prêts hypothécaires.
En Suisse, la mise en œuvre de Bâle III est dirigée par le Secrétariat d’État aux questions financières internationales (SFI), en partenariat avec l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA). La FINMA a publié plusieurs ordonnances pour aligner les pratiques des banques suisses avec les nouvelles exigences de Bâle III, incluant des mesures telles que la révision des ratios de solvabilité, le renforcement des niveaux de fonds propres et l'amélioration de la transparence financière.
La modification de l’ordonnance sur les fonds propres (OFR), adoptée par le Conseil fédéral en novembre 2023, impose aux banques suisses de renforcer leur capacité à absorber les pertes financières liées à leurs activités de prêts, notamment les crédits hypothécaires. Les nouvelles règles obligent les banques à détenir davantage de fonds propres pour chaque prêt accordé, ce qui accroît leur résilience face aux risques liés à la volatilité des marchés immobiliers. Elles imposent également une meilleure transparence et comparabilité des ratios de fonds propres publiés par les banques, permettant aux investisseurs et aux clients d’avoir une vue plus claire de la santé financière des établissements.
L’introduction de Bâle III aura des répercussions importantes sur le secteur immobilier et le marché des crédits hypothécaires en Suisse. Voici les principaux changements à prévoir :
Les banques devront détenir davantage de fonds propres pour couvrir les prêts hypothécaires présentant un taux de nantissement élevé. Cette obligation les incite à adopter une approche plus prudente dans l’octroi des crédits, notamment en appliquant des critères de solvabilité plus stricts et en évaluant de manière approfondie les risques associés à chaque prêt. Les banques devront également ajuster leurs modèles internes de gestion des risques pour répondre aux nouvelles exigences réglementaires, ce qui pourrait les pousser à limiter les exceptions aux politiques de crédit et à restreindre l’accès aux prêts hypothécaires.
Les propriétaires actuels et futurs seront directement impactés par ces nouvelles règles. Les critères d’obtention des crédits hypothécaires deviendront plus stricts, impliquant une hausse des exigences d’apport personnel et une évaluation plus minutieuse de la situation financière des emprunteurs. Les banques pourraient également augmenter les taux d'intérêt hypothécaires pour compenser les coûts supplémentaires liés à l’obligation de détenir plus de fonds propres. Cela pourrait rendre les emprunts immobiliers plus coûteux pour les propriétaires, surtout pour ceux qui présentent un taux de nantissement supérieur à 60 %.
Avec les nouvelles exigences de fonds propres, les options de refinancement pourraient se restreindre. Les banques pourraient devenir moins enclines à offrir des conditions avantageuses pour les refinancements ou les renégociations de prêts, limitant ainsi la flexibilité des emprunteurs. Les taux d’intérêt attractifs et les options flexibles de remboursement pourraient être revus à la baisse, ce qui augmenterait le coût global du financement immobilier.
L’Association suisse des banquiers (ASB) a également révisé ses autorégulations en matière hypothécaire pour se conformer aux nouvelles règles de Bâle III. Les deux directives principales concernent les exigences minimales pour les financements hypothécaires et les règles relatives à l’examen, à l’évaluation et au traitement des crédits garantis par gage immobilier.
Les règles introduites en 2019 pour les immeubles de rendement ont été supprimées. Désormais, les mêmes dispositions s’appliqueront à tous les types d’immeubles en termes de fonds propres et d’amortissement. Les financements devront respecter une part minimale de fonds propres de 10 % et un amortissement à deux tiers de la valeur de nantissement sur 15 ans. Ce changement répond à l’augmentation prévue des pondérations des risques pour les financements d’immeubles résidentiels de rendement dans le cadre de Bâle III, rendant ainsi l'octroi de crédit plus coûteux pour les banques.
Trois nouveautés ont été introduites pour renforcer la gestion des crédits et des risques. Ces directives intègrent désormais les maîtres d’ouvrage d’utilité publique, spécifient l’exigence d’une évaluation indépendante et imposent une obligation de vérification périodique de la solvabilité des emprunteurs. Ces mesures visent à assurer une meilleure gestion des risques dans le secteur hypothécaire.
Afin de se préparer à l’entrée en vigueur de Bâle III, les propriétaires et investisseurs devraient envisager les actions suivantes :
Vérifiez si votre situation financière vous permet de réduire le taux de nantissement en augmentant l'apport de fonds propres. Un taux inférieur à 60 % offre généralement des conditions de prêt plus favorables et réduit les coûts du financement.
Si vous avez une hypothèque à taux variable, envisagez de passer à un taux fixe avant 2025 pour vous protéger contre les fluctuations potentielles des taux d'intérêt et éviter des coûts supplémentaires liés à l’instabilité du marché.
Préparez un dossier de financement solide, en incluant toutes les sources de fonds propres possibles (LPP, 3e pilier, etc.), afin d’augmenter vos chances d’obtenir un prêt hypothécaire aux meilleures conditions.
Les nouvelles exigences de Bâle III peuvent être complexes. Il est fortement recommandé de consulter un expert en financement hypothécaire pour évaluer les meilleures options et anticiper les impacts potentiels sur votre situation financière.
La mise en œuvre de Bâle III en Suisse à partir de 2025 marque un tournant décisif pour le secteur bancaire et immobilier. Les nouvelles règles imposent aux banques des exigences accrues en matière de fonds propres et de gestion des risques, ce qui aura un impact direct sur les prêts hypothécaires et les conditions d’accès au crédit pour les propriétaires et les investisseurs. En se préparant dès maintenant, en optimisant leur dossier de crédit et en recherchant des conseils auprès de professionnels, les propriétaires et investisseurs pourront naviguer avec succès dans ce nouvel environnement financier et saisir les opportunités qui se présenteront.