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 |  RAMZI CHAMAT | OAKS GROUP SA

Genève Prête aux Primo-Acquéreurs : Opportunité ou Danger ?

À Genève, devenir propriétaire est un rêve pour beaucoup, mais l’accès à la propriété reste un défi de taille, particulièrement pour la classe moyenne. Les prix de l’immobilier élevés et les exigences strictes des établissements bancaires en matière de fonds propres empêchent de nombreux ménages d’acquérir leur premier logement. Face à ce constat, le Grand Conseil genevois a adopté une loi innovante et controversée qui permet à l’État de prêter une partie des fonds propres nécessaires aux primo-acquéreurs. Si cette mesure entend répondre à une demande pressante, elle suscite de nombreuses interrogations quant à ses effets réels et ses risques. Cet article analyse les tenants et aboutissants de cette loi, ses conditions d’application, les bénéficiaires visés, ainsi que les critiques qui l’entourent.

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Introduction

 

Le Grand Conseil genevois a récemment adopté une loi permettant à l’État de prêter jusqu’à 15% des fonds propres nécessaires aux primo-acquéreurs pour l’achat d’un bien immobilier. Cette décision, soutenue par une majorité de droite, suscite de vives discussions et divise les opinions. Si l’objectif est de rendre l’accession à la propriété plus accessible pour la classe moyenne, la mesure soulève des questions sur ses implications économiques, sociales et financières. Cet article explore les détails de cette loi, ses bénéficiaires potentiels, ainsi que les critiques et les problèmes associés.

 

 

I. Contexte et Adoption de la Loi

 

Le projet de loi, initié par le Parti Libéral-Radical (PLR) et l’Union Démocratique du Centre (UDC), a été adopté par le Grand Conseil genevois avec 64 voix pour et 31 contre, malgré l’opposition du gouvernement cantonal. La loi autorise l’État de Genève à prêter jusqu’à 15% des fonds propres exigés par les banques ou assurances pour l’achat d’un logement, réduisant ainsi le montant que les primo-acquéreurs doivent fournir à 5%. Cette mesure vise à faciliter l’accès à la propriété pour les ménages de la classe moyenne, souvent exclus du marché en raison des exigences élevées en matière de fonds propres.

 

Thierry Cerutti, député MCG, a soutenu la loi en affirmant que «devenir propriétaire, c’est le rêve de tous les Genevois». Pour lui et d'autres partisans, cette mesure offre un coup de pouce essentiel à ceux qui souhaitent accéder à la propriété. En revanche, le Conseil d'État et d'autres opposants estiment que la mesure pourrait engendrer plus de problèmes qu’elle n’en résout, notamment en raison de ses effets potentiels sur le marché immobilier.

 

 

II. Conditions des Prêts : Un Soutien Encadré

 

Les conditions des prêts accordés par l’État sont essentielles pour comprendre les implications de la loi. Voici les principales conditions envisagées :

 

Montant et Usage du Prêt 

 

L'État prêtera jusqu'à 15% des fonds propres nécessaires, ce qui permet aux primo-acquéreurs de n'avoir que 5% de fonds propres personnels. Ces prêts sont exclusivement destinés à l'achat de résidences principales et ne peuvent être utilisés pour des investissements locatifs ou des résidences secondaires.

 

Conditions de Remboursement

 

Bien que les conditions précises de remboursement (taux d'intérêt, durée, échéancier) ne soient pas spécifiées, il est probable qu'elles soient favorables pour rendre l’aide plus accessible. Les emprunteurs doivent néanmoins démontrer leur capacité à rembourser à la fois le prêt de l'État et leur prêt hypothécaire principal.

 

Critères d’Éligibilité

 

Les bénéficiaires doivent être primo-acquéreurs, ne pas avoir été propriétaires auparavant, et acheter un bien destiné à leur résidence principale. Il est aussi possible que des plafonds de revenus soient mis en place pour cibler spécifiquement la classe moyenne.

 

Engagement de Propriété

 

Pour éviter la spéculation, les bénéficiaires pourraient être tenus de conserver le bien pendant une durée minimale, avec une éventuelle obligation de rembourser le prêt en cas de revente anticipée.

 

Limites Budgétaires et Conditions de Solvabilité

 

Le prêt de l'État ne sera accordé que si les critères de solvabilité des banques sont respectés, et les ressources budgétaires disponibles pourraient limiter le nombre de prêts accordés chaque année.

 

 

III. Les Bénéficiaires : Une Mesure Pour la Classe Moyenne ?

 

La loi cible avant tout les primo-acquéreurs, souvent exclus du marché en raison des exigences élevées en matière de fonds propres. Sébastien Desfayes, député du Centre, a expliqué que la loi est destinée à ceux «qui bénéficient de revenus relativement importants, mais qui n’ont pas de fortune». Ainsi, ce dispositif vise à combler le manque de fonds propres pour les ménages qui peuvent assumer les remboursements mais qui ne disposent pas du capital nécessaire.

 

Cependant, la loi pourrait avantager principalement la classe moyenne supérieure, car les ménages les plus modestes, souvent incapables d’épargner les 5% requis, restent en marge. Caroline Renold, députée socialiste, critique en soulignant que «ce n’est pas la classe moyenne qui peut envisager de devenir propriétaire, mais la classe moyenne supérieure». La mesure risque donc de manquer sa cible en ne répondant pas aux besoins des ménages les plus vulnérables.

 

 

IV. Critiques et Problèmes Potentiels

 

Risque de Surendettement

 

Les critiques pointent le risque accru de surendettement, avec des emprunteurs devant rembourser deux prêts. Les autorités de surveillance, comme la Finma, craignent que cela pousse les acquéreurs au-delà de leur capacité d'endettement. Bien que les promoteurs de la loi jugent ce risque théorique, il demeure une préoccupation majeure pour les institutions financières.

 

Impact sur le Marché Immobilier 

 

En facilitant l'accès à la propriété sans augmenter l'offre, la loi pourrait provoquer une hausse des prix de l'immobilier, rendant l’accès encore plus difficile pour les futurs acheteurs. Les opposants redoutent que la mesure alimente la spéculation immobilière, augmentant ainsi les coûts sur un marché déjà tendu.

 

Utilisation des Ressources Publiques

 

L’utilisation de fonds publics pour financer des achats privés est controversée. Le Conseil d'État et d'autres critiques estiment que ces ressources pourraient être mieux investies dans des projets publics, comme la construction de logements sociaux ou d'autres initiatives qui bénéficieraient à un plus grand nombre de citoyens.

 

Problème Structurel de l’Offre

 

Le manque de logements disponibles reste le véritable problème. Selon Antonio Hodgers, magistrat à la tête du Territoire, «le problème de l’accès à la propriété immobilière n’est pas un problème financier, mais un problème d’offre». Cette loi, en ne s’attaquant pas à la pénurie de logements, pourrait donc ne pas résoudre les difficultés structurelles du marché genevois.

 

 

V. Alternatives et Perspectives

 

Pour répondre aux critiques, plusieurs alternatives sont envisagées. La construction de logements abordables, le développement de coopératives d’habitation, ou des programmes de financement partagés pourraient offrir des solutions plus équilibrées. Ces approches permettraient d’augmenter l’offre tout en contrôlant les prix, réduisant ainsi les barrières à l’accès à la propriété.

 

Des réformes fiscales et des incitations plus ciblées pourraient également améliorer l’efficacité des aides, en orientant le soutien vers ceux qui en ont le plus besoin sans alourdir leur endettement. Ces mesures permettraient de répondre à la demande de logement sans exacerber les déséquilibres actuels du marché.

 

 

Conclusion

 

La loi genevoise visant à prêter aux primo-acquéreurs représente un effort significatif pour répondre à une demande croissante d’accès à la propriété, mais elle reste sujette à controverse. Elle offre une opportunité nouvelle à certains ménages de la classe moyenne, mais risque de manquer sa cible en ne répondant pas aux besoins des ménages plus modestes. De plus, ses effets sur le marché immobilier devront être surveillés de près pour éviter les conséquences indésirables.

 

L’efficacité de cette loi dépendra de sa mise en œuvre rigoureuse et de l’évaluation continue de ses impacts sur le marché immobilier. À terme, elle pourrait constituer une première étape vers une réforme plus large et plus équitable du marché du logement à Genève, à condition que des ajustements soient apportés pour mieux cibler et encadrer son application. Pour que cette loi atteigne pleinement ses objectifs, elle devra être accompagnée de mesures complémentaires visant à renforcer l’offre de logements et à protéger les ménages les plus vulnérables de l’endettement excessif.

 

Source : Le Courrier

Ramzi Chamat

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