| RAMZI CHAMAT | OAKS GROUP SA
Dans un contexte de hausse continue des prix de l’immobilier, cet article explore les tendances, facteurs et stratégies à adopter pour naviguer ce « supercycle » immobilier. En se basant sur les dernières analyses de RealAdvisor et les études d’économistes, il met en lumière les défis d’accessibilité au logement et les solutions possibles pour les investisseurs suisses. Cet article offre un guide pour comprendre ce marché en évolution et prendre des décisions éclairées dans un environnement immobilier complexe.
Le marché immobilier mondial traverse actuellement une phase exceptionnelle, marquée par une hausse continue des prix qui semble inarrêtable malgré des crises économiques majeures. Depuis les années 1960, les prix de l’immobilier résidentiel n’ont cessé d’augmenter, et les indicateurs actuels laissent penser que ce « supercycle » pourrait encore durer plusieurs décennies. Cet article explore les causes de ce phénomène, les chiffres récents du marché immobilier suisse, et les défis et opportunités pour les investisseurs dans ce contexte.
L’essor des prix de l’immobilier résidentiel dans les pays industrialisés remonte aux années 1960. Avant cette période, les prix réels de l’immobilier étaient restés stables sur près d’un siècle. Une étude portant sur quatorze pays industrialisés montre qu’entre 1870 et 1960, les prix réels étaient en moyenne inchangés. Cependant, depuis les années 1960, une tendance haussière s’est enclenchée : aujourd’hui, les prix dans les grandes villes mondiales sont jusqu’à trois fois plus élevés en termes réels par rapport aux années 1970.
En Suisse, l’augmentation a été particulièrement marquée. Depuis 2000, les prix de l’immobilier ont bondi de 94 %, selon les données de RealAdvisor. En comparaison, les 26 pays industrialisés connaissent une moyenne de hausse de 135 % sur la même période. Cela représente une moyenne annuelle de 4,5 % d’augmentation, malgré des crises comme la crise financière de 2008 ou celle du Covid-19 en 2020. À titre d’exemple, les prix des appartements suisses ont augmenté de 1,1 % au troisième trimestre 2024, selon le baromètre immobilier de RealAdvisor, poursuivant ainsi une tendance à la hausse régulière depuis le début de l’année.
Un des moteurs principaux de la hausse des prix réside dans la baisse des taux d’intérêt. Après une période de hausse modérée, les banques centrales des États-Unis, de la Suisse, et de la zone euro ont récemment abaissé leurs taux directeurs, rendant les emprunts immobiliers plus accessibles. La baisse des taux entraîne une baisse des mensualités hypothécaires, permettant ainsi à davantage de ménages d’accéder à la propriété. En Suisse, les taux hypothécaires sont actuellement inférieurs à 2 %, un niveau historiquement bas qui encourage l’achat de biens immobiliers et exerce une pression haussière sur les prix.
La gentrification, phénomène par lequel les quartiers populaires deviennent progressivement plus chers, est également un facteur clé. Les villes, qui avaient connu un exode vers les banlieues dans les années 1970, redeviennent attractives grâce au développement des secteurs des services, des technologies et des finances. Des villes comme Zurich, Genève, ou Lausanne voient leurs quartiers centraux prisés par une population plus aisée, ce qui fait grimper les prix et exclut progressivement les ménages à revenu moyen et faible.
Selon une étude de l’économiste Edward Glaeser, la régulation excessive des constructions dans les grandes villes contribue à la flambée des prix. Glaeser explique qu’en favorisant la construction de nouveaux logements, les villes pourraient répondre à la demande croissante et réduire la pression sur les prix. Cependant, les réglementations actuelles et la résistance des résidents retardent les projets de construction, limitant ainsi l’offre de logements.
En Suisse, le baromètre immobilier de RealAdvisor pour le troisième trimestre 2024 montre une augmentation de 1,1 % des prix, marquant ainsi le troisième trimestre consécutif de hausse. Cette progression suit une croissance de 0,6 % au deuxième trimestre et de 0,4 % au premier trimestre, pour une augmentation totale de 2,1 % depuis le début de l’année. Avec un prix moyen des appartements qui atteint 9 000 CHF/m² à Zurich et 12 000 CHF/m² à Genève, la Suisse se place parmi les marchés immobiliers les plus chers d’Europe.
Les obligations suisses offrant des rendements inférieurs, de nombreux investisseurs se tournent vers l’immobilier. Les fonds de pension et les compagnies d’assurance, en quête de placements sûrs et rentables, investissent massivement dans les biens immobiliers. En 2023, plus de 60 % des fonds de pension en Suisse ont augmenté leurs investissements immobiliers, selon une enquête de l’Office fédéral de la statistique. Cette affluence d’investissements accentue la pression sur les prix et diminue la disponibilité des biens à des prix abordables.
La hausse des prix de l’immobilier a rendu l’accessibilité au logement de plus en plus difficile pour les ménages modestes. En Suisse, le ratio prix-revenu pour les biens immobiliers a atteint un niveau critique : les prix de l’immobilier sont maintenant 10 à 12 fois plus élevés que le revenu annuel médian des ménages, contre environ 6 fois dans les années 1980. Ce phénomène est particulièrement marqué dans les grandes villes, où les logements à prix abordable se font rares.
Le processus de « filtrage », décrit par Glaeser, illustre comment les nouveaux logements peuvent indirectement bénéficier aux ménages à faible revenu. En construisant des logements pour les populations à hauts revenus, les anciens logements, moins chers, deviennent disponibles pour les ménages intermédiaires. Mais avec la résistance aux nouvelles constructions, ce processus de filtrage est bloqué, laissant la gentrification prendre le relais.
Dans un contexte de hausse continue, les investisseurs doivent se montrer prudents. Voici quelques stratégies d’investissement adaptées :
Les périphéries des grandes villes, moins touchées par la gentrification, offrent souvent des prix plus abordables et un potentiel de plus-value. Des villes comme Winterthour, Montreux, ou Nyon offrent encore des opportunités de croissance.
Les biens locatifs dans les villes sont de plus en plus prisés. En Suisse, où le taux de propriétaires est l’un des plus bas d’Europe (environ 37 %), investir dans le locatif peut offrir une source de revenus stable.
La crise du Covid-19 a révélé un intérêt accru pour les espaces extérieurs et les habitations rurales. Investir dans des biens avec jardin ou en périphérie pourrait devenir une stratégie payante à long terme.
Le marché immobilier est aujourd’hui soutenu par des tendances économiques et sociales puissantes. Malgré des périodes de crise, le supercycle des prix semble loin de se terminer. La combinaison d’une demande croissante, de taux d’intérêt historiquement bas, et de la pression sur les nouvelles constructions maintient les prix à un niveau élevé.
En Suisse, où l’offre reste limitée, la demande élevée pourrait alimenter une nouvelle décennie de hausse des prix. Pour les investisseurs, la clé réside dans une bonne compréhension du marché et dans une stratégie d’investissement alignée avec les tendances actuelles. Le supercycle immobilier pourrait bien représenter une opportunité unique pour ceux qui savent en saisir les leviers.
Cet article détaillé présente une vue complète et chiffrée du marché actuel, intégrant les enjeux de gentrification, de manque de nouvelles constructions, et des stratégies d’investissement adaptées pour tirer parti de ce contexte en pleine évolution.