| RAMZI CHAMAT | OAKS GROUP
Au 31 septembre 2025, le marché immobilier suisse affiche une remarquable stabilité. Dans un contexte marqué par la suppression prochaine de la valeur locative et par des taux hypothécaires historiquement bas, les prix résidentiels poursuivent leur progression modérée. Le troisième trimestre confirme une reprise solide, soutenue par la demande et par une activité transactionnelle en hausse dans la plupart des grandes agglomérations.
Les prix moyens des appartements et des maisons ont augmenté de +0.7% au troisième trimestre 2025, soit un rythme identique pour les deux segments.
Sur douze mois, les appartements progressent de +2.6%, tandis que les maisons individuelles gagnent +2.2%, effaçant une partie du retard accumulé en 2023.
Les écarts régionaux se resserrent :
Pour les maisons, Sion (+1.5%), Lugano (+1.1%) et Saint-Gall (+1.0%) tirent le marché, tandis que Genève enregistre un léger repli de –0.3%.
Cette homogénéité traduit un marché redevenu équilibré. Les disparités entre cantons restent limitées : les Grisons, le Valais et le Tessin affichent les meilleures performances pour les maisons, tandis que Appenzell Rhodes-Intérieures et Fribourg dominent pour les appartements.
Le Jura et Glaris demeurent les seuls cantons en recul.
Le canton de Genève conserve son statut de marché le plus tendu de Suisse romande, bien que le troisième trimestre 2025 ait marqué un léger repli des prix (-0.4% pour les appartements et -0.3% pour les maisons).
Cette correction ponctuelle s’inscrit dans un contexte de forte sélectivité des acheteurs et d’un volume d’offres historiquement bas.
Après une progression de plus de 6% cumulée entre 2023 et 2024, le marché des appartements genevois montre une stabilisation attendue. Les biens haut de gamme et les appartements neufs proches du centre restent très demandés, tandis que les logements anciens nécessitant rénovation subissent des négociations plus fermes. Le prix médian d’un appartement PPE à Genève se maintient autour de 13’500 CHF/m², avec des pointes dépassant 18’000 CHF/m² dans les quartiers les plus prisés (Champel, Florissant, Cologny).
Sur le segment des maisons individuelles, l’offre demeure quasi inexistante.
Les transactions concernent essentiellement des biens déjà rénovés ou situés dans les communes les plus recherchées du canton (Collonge-Bellerive, Cologny, Chêne-Bougeries, Vandoeuvres).
Les prix oscillent entre 16’000 et 22’000 CHF/m², selon la localisation, la vue et la qualité du bâti.
La faible correction observée au T3 s’explique davantage par le profil des biens vendus (moins de très haut de gamme ce trimestre) que par une tendance de fond.
Les perspectives à court terme restent stables à haussières, portées par :
À moyen terme, la réforme fiscale pourrait renforcer la rétention des propriétaires et réduire encore la rotation du parc, accentuant la pénurie et maintenant les valeurs à des niveaux élevés.
L’année 2025 marque une véritable relance du volume des ventes. Le nombre de transactions immobilières progresse de +3% sur le trimestre et de +20% sur un an, atteignant le plus haut niveau depuis deux ans. Ce dynamisme confirme la confiance des acheteurs, portée par des conditions de financement toujours attractives.
Les grands centres urbains (Zurich, Genève, Bâle) concentrent encore près de 30% des ventes, mais leur part tend à reculer légèrement au profit des agglomérations moyennes comme Lausanne, Berne, Fribourg ou Lugano, qui représentent désormais 20% du total — leur plus haut niveau depuis dix ans. Les zones périurbaines maintiennent leur attractivité, tandis que les régions rurales montrent une légère contraction.
En Romandie, la reprise est particulièrement visible dans le Vaud et à Fribourg, bénéficiant d’un effet de rattrapage après une année 2024 atone. Le Tessin et le Jura demeurent plus en retrait.
Malgré un léger rebond, la construction résidentielle ne parvient pas à combler la pénurie structurelle. L’indice de la construction progresse de +0.6% sur un an, avec environ 44 000 logements livrés contre 42 000 prévus. Cependant, la valeur des permis de construire chute de 8%, indiquant que ce sursaut pourrait être temporaire.
Les carnets de commandes restent bien remplis jusqu’au début de 2026, mais l’offre neuve demeure insuffisante pour absorber la demande soutenue.
Cette rareté contribue à maintenir la pression sur les prix, empêchant toute correction significative malgré la normalisation du marché.
La Banque nationale suisse (BNS) a maintenu son taux directeur à 0% en septembre 2025, l’inflation annuelle restant contenue à +0.2%.
Les hypothèques fixes à 10 ans se négocient entre 1.3% et 2.0%, des niveaux quasi identiques à ceux de la période 2020–2021.
La politique monétaire demeure donc un soutien essentiel à la stabilité du marché résidentiel.
Les perspectives internationales — baisses de taux attendues aux États-Unis et pause de la BCE — laissent entrevoir un environnement durablement accommodant.
Le référendum du 28 septembre 2025 constitue un tournant majeur :
Suppression de la valeur locative dès 2028.
Possibilité pour les cantons d’instaurer une taxe sur les résidences secondaires.
Cette réforme avantage les ménages peu endettés, mais pénalise les propriétaires récents et les primo-accédants, privés des déductions d’intérêts hypothécaires et des frais d’entretien. Elle pourrait freiner la mise en vente de biens anciens, notamment par les propriétaires âgés faiblement endettés, accentuant la rareté de l’offre. À court terme, son impact sur les prix devrait rester limité, mais à moyen terme, le marché pourrait se tendre davantage, particulièrement dans les segments des résidences secondaires et des objets à rénover.
Compte tenu de la reprise modérée et des conditions financières avantageuses, les prévisions de hausse sont révisées à +3% à +3.5% pour 2025. Le marché reste soutenu par une demande résiliente, une offre structurellement insuffisante et un cadre monétaire neutre. La réforme fiscale, bien qu’incertaine, pourrait renforcer la tendance à la stabilisation des prix plutôt qu’à une flambée. En 2026, la Suisse devrait donc poursuivre sur une trajectoire de croissance contenue mais durable, sans risque de surchauffe.
Le troisième trimestre 2025 confirme la solidité structurelle du marché immobilier suisse, qui continue d’évoluer dans un environnement exceptionnellement stable. Malgré les incertitudes liées à la réforme fiscale et à la transition post-valeur locative, les fondamentaux demeurent solides : demande soutenue, conditions de financement avantageuses et offre structurellement insuffisante.
Le léger ralentissement observé dans certaines agglomérations, notamment à Genève ou Bienne, ne traduit pas une fragilité du marché, mais plutôt une phase d’ajustement naturel après plusieurs années de hausses continues. À l’inverse, la vigueur persistante des transactions, en hausse de plus de 20% sur un an, témoigne d’un retour de la confiance acheteuse, portée par la visibilité accrue sur les taux et par une anticipation de stabilité économique.
À court terme, le marché helvétique devrait conserver une trajectoire de croissance maîtrisée, caractérisée par des hausses modérées et une activité homogène entre régions urbaines et périphériques. À moyen terme, la suppression de la valeur locative pourrait provoquer un resserrement durable de l’offre, incitant de nombreux propriétaires à conserver leurs biens. Ce phénomène, combiné à un déficit chronique de logements neufs, prolongera la tension sur le marché résidentiel jusqu’en 2026 voire au-delà.
Pour les acteurs du secteur — promoteurs, courtiers, prêteurs et institutionnels — cette période s’annonce comme un cycle d’équilibre exigeant, où la performance dépendra de la qualité des emplacements, de la maîtrise des coûts et de la capacité à anticiper les mutations fiscales. La Suisse confirme ainsi son statut de marché résilient, prévisible et attractif, à la fois pour les ménages locaux et pour les capitaux internationaux en quête de stabilité.
En somme, le T3 2025 marque la poursuite d’une phase de normalisation durable, où la croissance mesurée s’impose comme un signe de maturité et de solidité — un équilibre rare dans le paysage immobilier européen.
¹ RealAdvisor Research | ² OFS et offices statistiques cantonaux de Genève, Zurich, Tessin | ³ Swiss Real Estate Data Pool | ⁴ Société Suisse des Entrepreneurs (SSE) | ⁵ Banque nationale suisse (BNS) | ⁶ Chambre des notaires de Genève, RealAdvisor Finance | ⁷ Fed, BCE